II. Une identité de marque en filigrane
J’appelle “sans visage” tous les logos qui ont déclenché à travers leur refonte comme une anti-démarche :avant, la figure du logo représentait les valeurs de la marque/ entreprise ; maintenant, ils doivent se fondre dans cette nouvelle masse qu’est le produit/service.
Les logos deviennent ainsi “sans visage” : il ne s’agit plus de les distinguer les uns des autres par des attributs visuels uniques et sensibles, capables de transmettre en un coup d’œil les concepts clés derrière la marque, mais au contraire de s’effacer. Éteindre son ADN.
Souvent les designers déplorent une telle perte d’identité : mais pourquoi ces marques souhaitent-elles faire ainsi table rase de leurs racines ? Il est vrai que cette nouvelle austérité en vogue semble réduire le champ de la créativité graphique et visuelle, et rend plus ardue la tâche de sortir son épingle du lot.
Les marques et entreprises qui prennent la décision de modifier leur logo en ont conscience et le portent souvent comme étendard de leur contemporanéité. Or aujourd’hui, la question des logos et de l’image de marque est indissociable des nouveaux modèles d’entreprises.
Ces logos sans visage ne pouvaient pas être plus cohérents face aux nouveaux modèles économiques des marques et des entreprises mondialisées.
En effet, les marques n’appartiennent dorénavant plus tant à leurs créateurs qu’à leurs clients. Ceux-ci constituent en quelques sortes le nouveau patrimoine de ces entreprises. Ainsi, il paraît naturel pour les intégrer dans toute leur diversité de tendre vers une présence visuelle en filigrane, afin de laisser toute la place à l’expression de leur expérience de marque.
De surcroît, au-delà de l’adhésion de clients potentiels, les marques et entreprises cherchent également à attirer des nouveaux partenaires professionnels (créateurs, designers, business developpers, etc.) ainsi qu’à développer leur image de marque à l’étranger, là où les cultures peuvent parfois s’entre-choquer (alphabet différent, contresens à la prononciation, etc.).
On peut le voir notamment à travers le parcours d’Hedi Slimane, qui a en quelques sortes lancé cette vague de refonte au sein des grandes maisons du luxe et du prêt-à-porter créateur.
D’abord chez Saint- Laurent, puis chez Celine, le créateur opte naturellement pour des esthétiques minimalistes modernes proches de son travail, tout en gardant en tête les enjeux stratégiques qu’ils pourront déclencher.