Interaction à fleur de peau

(2018)

Grâce à la miniaturisation des composants, quelle pourrait être l’interactivité de demain ? Pour les marques du luxe, elle représente un vrai potentiel d’expérience sur-mesure.

Publié sur Medium

La “Fashion Tech” : une attractivité indéniable

 

Nous projetons encore et toujours sur les nouvelles technologies nos fantasmes les plus fous, et la mode connectée est la plus à même de satisfaire nos imaginaires.

 

La mode porte en son sein une essence de temporalité, qu’elle soit rétro ou futuriste, et les savoirs-faires artisanaux et technologiques peuvent s’articuler ensemble autour de pièces exceptionnelles capables de se modifier selon le contexte dans lequel elles sont portées ou selon l’humeur de l’utilisateur.

 

D’abord méprisés pour leur esthétique brute et jugée bas de gamme, les composants électroniques et l’univers visuel qu’ils convoquent sont à présent au cœur des défilés de la Fashion Week, ils sont même parfois le moteur d’inspiration derrière une collection entière.

 

La miniaturisation des composants a grandement participé à l’effervescence autour de la “Fashion Tech” : la conception de vêtements incorporant des nouvelles technologies était moins contraignante (tant techniquement que financièrement), et les limitations matérielles d’intégration de composants (tels que les essentielles batteries) ont pu être rapidement contournées pour laisser toute la place aux concepts et visions des designers.

 

La fibre optique reste notamment très prisée par des créateurs avant-gardistes pour signer des pièces futuristes. En 2016, elle a notamment volé la vedette aux célébrités invitées à l’incontournable Met Gala pour l’édition “Manus x Machina: Fashion in an Age of Technology” tant elle a été utilisée.

 

Ainsi, de l’imaginaire collectif aux défilés et tapis rouges, la mode connectée s’est faite une place dans nos quotidiens, et investit à présent des accessoires ou des vêtements accessibles par tous, les “wearables”.

Les limites du “wearable“
 

Les vêtements et accessoires connectés sont présents sur le marché du prêt-à-porter et de la grande distribution depuis maintenant une dizaine d’années.
 

T-shirt, veste, pantalon, chaussures ; chaque nouvelle pièce connectée suscite beaucoup d’engouement à sa sortie, et garantit à la marque concernée une très belle image d’innovation et de contemporanéité auprès du public.
 

Néanmoins leur interactivité est techniquement limitée, et par conséquent souvent orientée santé et sport, quand elle ne sert pas un caractère purement démonstratif (j’affiche un message ou une couleur).
 

La technologie reste impressionnante sur sa capacité à s’effacer pour faire corps avec l’utilisateur, mais ce qu’elle produit n’a à mon sens pas plus de valeur ajoutée que les podomètres de nos smartphones : elle nous renseigne sur des données physiques que nous ne pouvons estimer par nous-mêmes, mais l’expérience s’arrête là.
 

Une des grandes tendances du “wearable” propose notamment de transposer les interactions que nous avons avec nos écrans sur des surfaces textiles, ou encore sur la peau grâce à de la projection couplée à des capteurs.
 

On peut cependant considérer cette tendance comme très fermée sur elle-même, alors que la mode connectée porte en elle le potentiel pour ouvrir tout un champ de nouvelles interactions sensibles, et d’expérience de marque augmentée innovante.
 

Interactions à fleur de peau
 

L’interactivité de demain sera dépouillée ou ne sera pas.
 

Après avoir investi les différentes matières textiles, les départements de R&D se concentrent aujourd’hui sur la conception de composants aussi fins et sensibles que notre propre épiderme et, par effet de conséquence, sur la prospection des interactions de demain.
 

Ces interactions s’inspirent de nos gestes et sensations quotidiens ainsi que par leurs nuances infimes : effleurer une surface n’est pas la même expérience que la toucher, qui diffère également de l’expérience de presser dessus.
 

Et cette surface, comment réagit-elle ? Quelle sera sa réaction dans ce nouvel échange de “données” du vivant ? Les choix de réponse à ces questions construiront demain l’ADN d’une marque au même titre que ses valeurs ou son histoire.
 

Il faut donc d’abord se détourner de nos interfaces écrans, et considérer que toute surface est une interface avec ses propriétés uniques, capable d’accueillir en son sein une expérience innovante.

L’expérience de marque augmentée : future innovation du luxe ?
 

Qu’est-ce que l’expérience de marque ? Dans l’un de mes précédents articles, je propose une première définition de “l’expérience du luxe”:
 

 » Et maintenant, qu’entend-on par expérience de marque augmentée ? Il s’agit à mon sens de la traduction — qu’elle soit matérielle ou immatérielle — de l’ADN de marque dans une expérience, non seulement vécue par ses clients, mais aussi co-conçue grâce à leurs actions propres. »
 

L’expérience de marque augmentée n’est plus seulement une proposition, mais un dialogue: naviguer dans une boutique ou sur un site web n’est plus seulement un parcours linéaire pré-pensé par les retails / ux designers, mais une déambulation qui peut à tout moment se personnaliser à l’envie, qui crée du souvenir, de l’émotion.
 

Elle pourra d’ailleurs se porter à même la peau grâce au développement de nouvelles technologies pour devenir la plus sur-mesure possible.
 

On peut déjà entrevoir de très multiples usages liés à ces prochains “accessoires corporels”:
— Une cliente pourra choisir les interactions liées à son “tatouage” en fonction des bijoux (colliers, bracelets, bagues,…) qu’elle apposera dessus ;
— Un client pourra entrer dans une boutique et bénéficier d’une signalétique personnalisée en fonction de ses goûts ;
— La scénographie d’un défilé de mode pourra inclure les émotions de chacun des invités et créer des moments forts ;
— etc.
 

Dans quelques années, la technologie des composants à fleur de peau sera accessible par et pour tous. L’industrie du luxe aura alors en sa possession toutes les cartes pour augmenter ses marques et leurs expériences associées, et ainsi transformer nos usages et nos interactions quotidiennes.